La vie relationnelle des TDAH

Les émotions sont le langage invisible de nos relations. Elles colorent nos réactions et influencent nos comportements malgré nous. Chez une personne vivant avec un TDAH, elles prennent souvent une ampleur particulière et surgissent sans prévenir.

Le traitement de l’information est sans filtre

Le système émotionnel fonctionne avec plus d’intensité. Le cerveau a des difficultés à mettre de la distance entre le déclencheur et la réponse émotionnelle, traitant l’information de façon brute, sans avoir le temps d’analyser la situation. Les émotions surviennent par vagues, avec une intensité forte, sans passer par la case analyse. Ce qui nous amène à parler de dysrégulation émotionnelle : cette difficulté à identifier et moduler ses émotions se manifeste par des réactions rapides, et une incapacité à retrouver un état émotionnel stable. L’émotion arrive plus vite et devient plus difficile à contenir. La personne ressent très fort, mais ne parvient pas à se réguler. Il en résulte un décalage entre le ressenti intérieur et la réaction attendue socialement, ainsi qu’une instabilité persistante. L’anxiété accentue cette instabilité : 50 % des adultes TDAH présentent un trouble anxieux. L’anxiété est une émotion désagréable, accompagnée de symptômes physiques mais aussi d’inquiétudes fréquentes et de ruminations. Souvent, s’ajoute à cela une hypersensibilité au rejet, c’est-à-dire une réaction émotionnelle intense à la moindre impression de rejet ou de critique.

Alors, comment mieux vivre avec ses émotions ?

D’une part, en reconnaissant dans son corps les signes annonciateurs pour mieux réagir. D’autre part, en s’appuyant sur ce qui aider : accompagnement, outils, groupe de parole, discussions ou encore lecture. La psychoéducation, en particulier, est un levier fondamental pour mieux comprendre son trouble. Une émotion n’est pas une faiblesse : dans un monde où l’on valorise la maîtrise et le self-control, vivre avec des émotions intenses est parfois difficile. Cette intensité émotionnelle peut pourtant devenir une force, à condition d’apprendre à la canaliser. Vivre avec ses émotions ne signifie pas les subir ni les nier, mais être plus conscient et plus doux avec soi-même.

Aller au-delà des clichés sur le TDAH, c’est ouvrir une porte sur un univers souvent invisible, mais intensément vécu. Les personnes atypiques auraient besoin qu’on cesse de leur reprocher d’être « trop » et surtout, qu’on leur offre les moyens de transformer cette intensité en une force.

Et dans le couple ?

La vie de couple n’est jamais un long fleuve tranquille. Même sans neuroatypie, elle demande beaucoup de compromis, et de patience. Mais quand l’un des partenaires a un TDAH, les ajustements deviennent plus fréquents, plus intenses, parfois épuisants. En effet, ce trouble impacte le fonctionnement quotidien, les émotions, la communication…
Les fonctions exécutives dysfonctionnelles compliquent l’organisation, les routines, la gestion des imprévus. Cela peut provoquer oublis, retards, désorganisation, surcharge mentale pour le partenaire. Ce qui ressemble à du désintérêt est en fait un décalage de fonctionnement. Dans l’intime, le TDAH influence aussi la sexualité : impulsivité, besoin de stimulation, difficultés à se connecter, pensées envahissantes… Ces décalages entrainent souvent des malentendus, d’où l’importance de poser des mots sur ce que chacun vit.

Sur le plan émotionnel

L’intensité déclenche des réactions fortes, rapides, parfois disproportionnées. Ces montagnes russes émotionnelles créent de l’insécurité, même si l’amour est là. Se sentir “trop” ou “pas assez” est fréquent, d’où la nécessité de valoriser les efforts et les intentions.

 La communication devient compliquée : entre interruptions, oublis, changement de sujet, les malentendus s’installent facilement. Le ou la partenaire se sent parfois ignoré(e), alors que cela n’a rien d’intentionnel. Reformuler, vérifier la compréhension, faire preuve d’humour peut désamorcer les tensions. Quand un seul partenaire est concerné, un déséquilibre s’installe peu à peu si aucune adaptation n’est faite. Quand les deux le sont, les effets peuvent alors se cumuler. L’anxiété et la rigidité sont aussi fréquentes : routines figées, réactions disproportionnées, fatigue émotionnelle… Comprendre ces réactions comme des réponses à un trouble, et non comme un choix volontaire, change la lecture des situations. 

Des pistes existent

Répartir les tâches selon les forces de chacun, ne pas coacher son partenaire, exprimer ses ressentis sans accuser, apprendre à se réguler avant de réagir, se documenter, améliorer son hygiène de vie. Mais le TDAH, c’est aussi et surtout une pensée hors du cadre ; créativité, humour, intensité, authenticité, curiosité.Nommer ce qui se joue, sortir du jugement, explorer la différence plutôt que la combattre. S’aimer, c’est composer avec les contrastes, créer un rythme à deux et apprendre à grandir ensemble avec la communication comme clé.

Et quand on est parents d’un enfant TDAH ?

C’est un défi de tous les instants, surtout quand on l’est soi-même ! Les comportements qualifiés à tort de caprices ou d’insolence sont souvent les signes visibles d’un trouble invisible. Agitation, impulsivité, difficultés de concentration, troubles émotionnels : le quotidien peut vite devenir épuisant. Quand le parent découvre qu’il partage ce même fonctionnement, un effet miroir s’installe. Il se reconnaît dans son enfant, comprend mieux certaines réactions, mais se sent aussi plus vulnérable. Quand parents et enfants sont tous deux concernés, les débordements émotionnels, la désorganisation ou les tensions s’accumulent facilement. Cela complique la gestion familiale, surtout si aucun des deux parents ne peut jouer un rôle de régulateur. Dans les couples où un seul parent est concerné, des incompréhensions peuvent émerger. L’autre parent se sent seul, dépassé, ou ressent trop de charge mentale. D’où l’importance d’une meilleure compréhension mutuelle.

Pour mieux vivre cette parentalité, plusieurs leviers sont possibles : apprendre à gérer ses propres émotions, lâcher la quête de perfection, s’autoriser à demander de l’aide.  Les routines structurées, les supports visuels, les repères clairs peuvent réduire les tensions. Se faire accompagner par un professionnel formé au TDAH, ou suivre une guidance parentale, comme le Programme Barkley ou celui de Résistance non Violente permet de retrouver une stabilité dans la relation et de restaurer un cadre cohérent. Ces programmes permettent de développer les connaissances des parents sur le trouble mais aussi de rétablir des interactions parents-enfants positives. Il est aussi essentiel de déculpabiliser les parents, trop souvent soumis aux jugements extérieurs. Il est important pour parvenir à s’occuper de son enfant d’avoir les ressources suffisantes. C’est une base à reconstruire. Être parent d’un enfant TDAH demande un ajustement constant. Ce n’est pas une faiblesse d’être aidé, c’est une force. 

TDAH et amitié

Le TDAH est souvent associé aux difficultés de couple, personnelles, ou encore parentales mais ses impacts sur les relations amicales restent largement méconnus. Pourtant, beaucoup de personnes que j’accompagne me disent : « Je crois que je suis trop intense pour les gens. » Ce sentiment d’être « trop » ou « pas assez » perturbe profondément les liens. Le besoin d’être aimé est souvent fort chez les personnes avec TDAH, parfois en raison d’une estime de soi fragilisée. Ce besoin mène à des schémas de sur adaptation : faire plaisir, être parfait, éviter le conflit, s’oublier… Ces comportements, bien que partant de bonnes intentions peuvent, mener à des relations déséquilibrées ou toxiques. Les difficultés interpersonnelles viennent aussi d’une sensibilité émotionnelle accrue et d’un dysfonctionnement des fonctions exécutives rendant l’ajustement social difficile. Une confusion se crée entre ses propres émotions et celles de l’autre, au point de se perdre complétement dans la relation. En amitié aussi, l’hypersensibilité au rejet est fréquente : une remarque neutre ou un silence peuvent être vécus comme un rejet violent. Ce mécanisme pousse à s’excuser, à relancer, à surcompenser, ce qui épuise la relation. Les relations amicales ne devraient pas devenir un champ permanent de justifications ou d’adaptation forcée. L’anxiété sociale, fréquente aussi, amène à éviter les appels, les invitations, les relances, par peur de déranger ou d’être jugé ou encore de maintenir un lien. Ce stress est souvent interprété comme un manque d’intérêt. L’oubli et la mauvaise gestion du temps sont à la source de malentendus : un anniversaire oublié, un retard chronique ou une promesse non tenue sont rarement intentionnels mais souvent mal vécus par l’autre. L’impulsivité émotionnelle quant à elle, entraîne des réactions vives, des maladresses, des mots trop forts. La personne réagit avant même d’avoir pu analyser la situation, puis culpabilise. Quand deux personnes TDAH sont amies, l’énergie est intense, la complicité profonde, mais cela demande de la régulation pour éviter les ruptures brutales. Les fluctuations émotionnelles rendent l’investissement dans la relation variable. Besoin d’espace, besoin de lien, repli soudain… en parler aide à préserver la qualité du lien. Pour cultiver des relations saines, il est important de poser des limites, repérer les relations toxiques, valoriser ce qui va bien, et surtout, chercher des liens où l’on peut être soi, sans avoir à se justifier.

Enfin, le TDAH n’est pas un frein à la réussite. C’est un fonctionnement atypique, certes,

mais qui peut devenir une richesse dès lors qu’il est reconnu, compris et accompagné. En valorisant les forces de l’enfant, en nourrissant sa confiance, les parents l’aident à se construire avec fierté, et à transformer ses différences en atouts durables. A cet effet, le renforcement positif est primordial pour augmenter l’estime de soi et ancrer le positif chez l’enfant ou d’adolescent.

www.magaliscemama.com

Laisser un commentaire